L'encre K, une encre révolutionnaire inventée en copiant la nature

le siège social lui aussi atypique du groupe Doublet situé à Avelin © Google Street View

Une encre 30 à 40 % moins chère et beaucoup plus écologique qu'une encre traditionnelle ? C'est possible. Et cette encre est à base de sang de synthèse de bovin.

Luc Doublet est un personnage atypique. Il est le directeur du groupe Doublet, basé à Avelin dans le Nord, entreprise familiale créée il y a 180 ans qui compte 300 personnes et affiche un chiffre d'affaires de 45 millions d'euros.

Spécialisé dans quatre domaines (la production de drapeaux, de supports de communication, de matériels d'équipements pour mairies et collectivités (isoloir, barrière, etc.) et de grands équipements (tribunes, etc.), il mène aussi depuis de nombreuses années des recherches sur de nouvelles matières et composants.

Sa dernière invention : l'encre K.

Tout commence il y a 11 ans. Ce jour-là, Luc Doublet se dispute avec son directeur de fabrication.
Le président spécialisé dans la production de drapeaux n'est pas content du rendu en impression numérique de la couleur bleue du drapeau européen, un bleu assez profond.
Son directeur de fabrication lui rétorque qu'il a besoin de presses numériques huit couleurs dont quatre nuances de bleu...

Le chef d'entreprise, mécontent de cette réponse, commence alors à chercher sur internet "comment la nature fait la couleur", nous explique-t-il.

Après de nombreuses recherches et d'innombrables questions posées sur des forums scientifiques, il arrive à la conception d'un nouveau procédé d'encre.

Sa jeune chimiste responsable recherche et développement, Ludivine Dumont-Meunier, accompagnée par un laboratoire de recherche de Nice, prend le relais et met au point cette idée.

Trois ans plus tard, l'encre K est prête.

Son procédé innovant se situe sur la fixation des groupements chromophores. Dans les encres actuelles, ce sont les solvants qui permettent la fixation des couleurs. Luc Doublet et Ludivine Dumont-Meunier ont remplacé ces composés chimiques par une enzyme contenue dans l'hémoglobine des bovins.

"Quand j'ai demandé à des chercheurs pourquoi ils n'avaient pas inventé ce procédé si simple, j'ai eu cette réponse absolument merveilleuse : parce que nous on ne pense pas comme ça !" se souvient le directeur.

Les avantages de cette invention sont très nombreux.

Elle est beaucoup plus écologique, car elle ne contient que 25% de solvant contre 60%. De plus, elle est aussi sans allergène, demande seulement une température de 100°C pour se fixer sur le textile au lieu des 210°C, sèche beaucoup plus rapidement et sa production coûterait 30 à 40% moins cher que les encres actuellement sur le marché.

Ludivine Dumont-Meunier commente modestement : ″Pour une PME qui fait des drapeaux, arriver à produire une encre, c'est bien. Ce n'est pas notre métier à la base.″

Aujourd'hui, l'encre qui peut reproduire toutes les couleurs actuelles fonctionne sur les presses numériques et sérigraphiques avec la même qualité qu'une encre conventionnelle.

Et si une encre à base de sang peut paraître peu ragoûtante, Luc Doublet rassure. Le sang des vaches est actuellement considéré comme un déchet. Il n'existe donc aucune filière pour récupérer cette matière. Cette encre est donc réalisée à partir de molécules d'hémoglobine de synthèse.

Cette invention réussit les tests de non-toxicité exigés par la loi. Elle a déjà été primée. Et fin mars, elle a reçu le prix international de l'Innovation textile de la fondation Théophile Legrand.

L'encre K attend désormais l'industriel qui la mettra sur le marché. Et depuis que Luc Doublet a laissé cet appel il y a 15 jours, il a reçu de nombreuses marques d'intérêts.

Le directeur a bien entendu d'autres projets en cours, résultats avant tout nous explique-t-il de la "sérendipité", qui est le fait de faire une découverte scientifique à la suite d'un hasard.

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