Le Papier d'Arménie, un bastion du patrimoine français

Ces petits carnets de feuilles odorantes, auxquelles on prêtait jadis des propriétés désinfectantes, sont fabriqués dans une petite entreprise familiale parisienne avec la même formule qu'au XIXe siècle.

Alors que la marque entre dans sa 130e année, le Papier d'Arménie vient de recevoir le label Entreprise du patrimoine vivant (EPV). Marque de reconnaissance de l'État, elle distingue les entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d'excellence.

Car malgré son nom, le Papier d'Arménie est bien français, né en banlieue parisienne à Montrouge en 1885. Et aujourd'hui encore, ce papier à brûler est toujours confectionné dans l'atelier qui l'a vu naître.

Le Papier d'Arménie est l'invention du chimiste Auguste Ponsot et du pharmacien Henri Rivier.

Auguste Ponsot découvre lors d'un voyage en Arménie les vertus du Benjoin, une résine issue de l'arbre Styrax originaire du Laos, utilisée par les Ottomans pour purifier les maisons insalubres ou infectées par le choléra. De retour en France, il s'associe à Henri Rivier, pour élaborer le premier désodorisant d'air ambiant.

6 mois et 12 étapes de fabrication

"C'est un produit de luxe : le Papier d'Arménie nécessite 6 mois de fabrication", aime à dire Mireille Schvartz, l'actuelle dirigeante et arrière-petite-fille du co-fondateur Henri Rivier.

La résine de Styrax est dissoute dans de l'alcool à 90° durant deux mois.

Des extraits de parfums, dont la composition est gardée secrète, sont ensuite ajoutés.

Puis un papier de type buvard en fibre d'origine naturelle est baigné de cette solution aux effluves parfumés.

Une fois le séchage terminé, les feuilles vieillissent pendant trois mois puis sont mises sous presse pendant 30 jours.

Les feuilles de buvard peuvent enfin être perforées, découpées, assemblées et mises sous carnets.

En tout, ce sont pas moins de 12 étapes qui auront été nécessaires pour obtenir un petit carnet.

Un succès immédiat

Dès sa création, la marque connaît un grand succès. Elle est même médiatisée lors de l'Exposition universelle de 1889 à Paris.

Et si sa formule reste inchangée (et mystérieuse) depuis sa création, la marque a su moderniser quelques-unes de ses étapes de production.

Dans les années 1990, lorsque Mireille Schvartz reprend l'entreprise à la suite de sa mère, la production est entièrement manuelle, de la découpe de la feuille au cutter au collage des liasses au pinceau !

La gamme a évolué et les carnets se déclinent désormais plusieurs parfums et en bougies.

L'entreprise réalise 2,8 millions d'euros de chiffres d'affaires. 2 millions de carnets sont vendus chaque année et 10 % de la production est exportée (au Japon et au Canada notamment).

L'entreprise familiale emploie aujourd'hui 12 salariés dont certains, tout comme Mireille Schvartz, sont la troisième génération à travailler à l'atelier.

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