Comment est né ? / L'histoire de l'esperluette ou comment une abréviation devient un caractère incontournable

C'est le typographe Claude Garamond, au XVIe siècle, qui donne à l'esperluette la forme qu'on lui connaît.

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Mais d'où vient ce caractère bizarre un peu ventru, ressemblant à une sorte de 8 et qui ne fait pas partie de l'alphabet ? L'esperluette appelée également "et commercial" provient graphiquement de la fusion des deux lettres e et t. L'usage d'une ligature entre des lettres aurait été imaginé bien avant la naissance de l'imprimerie par Marcus Tullius Tiro, esclave et secrétaire de Cicéron, au 1er siècle av. J.-C.. L'esperluette, comme nous la nommons aujourd'hui, faisait partie de tout un système d'abréviations permettant d'écrire plus rapidement et de gagner de l'espace dans les manuscrits à une époque où les supports d'écriture étaient rares et coûteux.

Traversant les siècles, apparaissant dans des ouvrages du XVe siècle, il faut attendre le XVIe siècle et le créateur de caractères français Claude Garamond pour qu'apparaisse la forme de l'esperluette que l'on connaît : le caractère avec le e à gauche, le t à droite et une courbe remplie puis déliée qui les relie.

Même si l'esperluette ne s'utilise pas conventionnellement dans les textes littéraires ou les journaux, elle fait partie intégrante des polices de caractères existantes et alphabets latins et se prête à toutes les fantaisies créatives surtout en italique. Cette ligature est avant tout esthétique et très calligraphique. Ce symbole bien malmené, tarasbiscoté, illisible lorsqu'il est manuscrit retrouve une rigueur et souvent une élégance, transformé en caractère d'imprimerie.

Lorsque l'esperluette enfile sa veste de "et commercial", elle devient bien plus qu'une ligature de lettres. "Sa créativité nous rappelle à propos l'impact durable de la plume dans la conception des caractères, et elle signifie bien davantage qu'un simple lien. Elle exprime également la permanence, notamment dans les partenariats d'affaires : Dean & Deluca sont unis pour longtemps, de même que Ben & Jerry's, Marks & Spencer ou les magazines House & Garden et Town & Country. Mais Simon et Garfunkel ? Pas étonnant qu'ils aient passé leur temps à se séparer. Tom et Jerry ? Bien sûr qu'ils se détestent" peut-on lire dans Sales Caractères de Simon Garfield aux éditions du Seuil.

Esperluette, un nom à l'origine encore mystérieuse

Plusieurs tentatives d'explications ont été faites sur ce nom "esperluette".Au XIXe siècle l'esperluette était considérée comme la 27e et dernière lettre de l'alphabet. Dans le dictionnaire Le Petit Larousse de 1878, il est écrit que ce signe se prononçait "ète". Les enfants apprenaient à l'école élémentaire à réciter l'alphabet en ajoutant à la fin "perluète" pour la rime, ce qui aurait donné à la longue le mot esperluette.

Selon une autre version, les enfants récitaient l'alphabet et après "z" ajoutaient les mots latins et, per se, et 'et'  prononcés "ète-per se-ète", qui se serait transformés en "et, per lui, ète".

Esperluette pourrait également venir de l'occitan "es per lou et" qui signifie "c'est pour le et".

Le dictionnaire de l'Académie française, quant à lui, indique une provenance du XIXe probablement dérivé du latin sphaerula (petite sphère).

Aujourd'hui l'esperluette est également appelée éperluette, perluète ou perluette rendant ainsi son étymologie encore plus mystérieuse.

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