Comment est né ? / Du punctus interrogativus aux imprimeurs du XVIe siècle : l'histoire du point d'interrogation

De la création du premier punctus interrogativus au Moyen Âge à la standardisation de la ponctuation avec l'avènement de l'imprimerie de Gutenberg, plongez dans l'histoire fascinante de ce glyphe essentiel de la langue écrite.

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L'origine du point d'interrogation, ce signe de ponctuation qui marque une interrogation, remonte à l'époque carolingienne. Au fil des siècles, ce glyphe a conservé son sens initial et est devenu l'un des éléments essentiels de la ponctuation moderne. Découvrons comment le point d'interrogation a évolué depuis ses premières apparitions jusqu'à sa forme actuelle, grâce notamment à l'influence des imprimeurs du XVIe siècle.

Le point d'interrogation, une ponctuation vieille de près de treize siècles

À l'époque de l'Antiquité, l'écriture se faisait en scriptio continua, sans séparation entre les mots et les phrases. La ponctuation aurait commencé à donner du souffle aux textes au Moyen Âge. C'est Alcuin of York, homme de lettres et conseiller de Charlemagne, qui aurait créé le premier point d'interrogation, le punctus interrogativus au VIIIe siècle. Ce glyphe faisait partie d'un ensemble de signes de ponctuation appelé posituræ qui indiquait les inflexions à prendre et les pauses à faire lors des lectures oratoires des textes sacrés. Par exemple, le punctus elevatus devenu deux points indiquait une pause, le punctus versus - notre actuel point virgule - notifiait une chute et le punctus interrogativus montrait qu'il fallait monter la voix pour marquer une interrogation. Le point d'interrogation est la seule posituræ à avoir traversé les siècles en conservant son sens initial.

Pendant longtemps, la ponctuation, point d'interrogation compris, était laissée au bon vouloir des moines copistes. L'apparition des caractères mobiles de Gutenberg au XVe siècle entraîne la standardisation de l'écriture et met de l'ordre dans la manière de ponctuer les phrases. En 1471 paraît le premier traité sur la ponctuation rédigé par Johannes Heynlin, fondateur de l'atelier d'Imprimerie de la Sorbonne, mais il faut attendre les années 1520 pour que la codification de la ponctuation s'installe vraiment. "À la fin du XVIe, on retrouve toutes les marques modernes. Il y a le point d'interrogation, le point d'exclamation, le point, la virgule et puis les guillemets aussi qui mettront un peu plus longtemps à s'installer", nous apprend le linguiste Alexei Lavrentiev dans un article de France Culture, signé Pierre Ropert.

Un signe qui devient élégant et galbé grâce aux imprimeurs

La forme élégante et galbée du point d'interrogation, telle que nous la connaissons aujourd'hui, a été introduite par les imprimeurs du XVIe siècle. Autrefois représenté par un point surmonté d'un zigzag obliquant légèrement vers la droite, le point d'interrogation a pris sa forme actuelle en forme d'hameçon pour éviter la confusion avec le point d'exclamation, qui venait d'être créé.

Au XIXe siècle, la lecture dite silencieuse se popularisa et s'imposa, et dans le monde de l'imprimerie, les règles typographiques se mirent en place. Ainsi, le point d'interrogation est suivi d'une majuscule quand il est placé en fin de phrase et d'une minuscule placé dans le cours d'un texte. Il est toujours précédé et suivi d'une espace. Il peut être doublé, voire triplé, être associé aux points de suspension et au point d'exclamation au grand dam des puristes de la typographie.

"De tous les signes de ponctuation, le point d'interrogation est le plus élégant et sûrement celui qui attire le plus l'œil, par son galbe, parce qu'il domine la ligne (comme le l, le h et les majuscules) et se réserve une espace fine entre lui et le mot qui le précède : une vraie vedette" apprécient Olivier Houdart et Sylvie Prioul dans La Ponctuation ou l'art d'accommoder les textes.

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