La promesse du tout-numérique s'effondre
Pas besoin d'aller chercher bien loin : selon une étude de Similarweb parue en juillet 2025, entre 60 et 70 % des recherches Google n'aboutissent même plus à un clic vers un site externe. Pour Gartner et d'ici fin 2026, les marques qui se sont appuyées exclusivement sur le référencement naturel traditionnel verront leur trafic chuter de 40 à 60 %. Le contenu ne manque pas, mais les retours marketing ne suivent plus. Résultat : une stratégie SEO qui rapportait hier de l'audience à moindre coût devient aujourd'hui un gouffre à ressources.
Le marketing relationnel numérique s'effondre à son tour
Même les leviers dits « relationnels », longtemps considérés comme peu coûteux et efficaces, ne tiennent plus leurs promesses. L'emailing froid, en particulier, subit de plein fouet depuis quelques semaines le durcissement des filtres anti-spam imposés par Google, Microsoft et les principaux services de messagerie. Une part croissante des messages commerciaux n'atteint jamais la boîte de réception.
Sur les réseaux sociaux, la situation n'est pas meilleure. Des comptes cumulant plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d'abonnés, peinent à générer le moindre engagement visible. Les publications passent inaperçues, les interactions s'effondrent. L'organique devient muet, les audiences inertes. Le contact direct avec le client s'érode, même quand on pensait l'avoir acquis.
Une publicité en ligne de plus en plus coûteuse pour des résultats décevants
Les budgets publicitaires ne suivent plus. Non pas par manque d'investissement, mais parce que les règles ont changé. Les algorithmes publicitaires privilégient les clics faciles : les annonces sont diffusées auprès de personnes qui connaissent déjà votre marque ou sur des recherches contenant votre nom. Ce n'est plus de l'acquisition, c'est du recyclage.
En parallèle, la concurrence s'intensifie. Chaque entreprise pousse ses contenus sur les mêmes canaux, aux mêmes moments. Les campagnes se ressemblent, les formats tournent en boucle, l'attention se disperse. Et pourtant, les coûts montent : CPC, CPM, CPA… les indicateurs s'emballent, pendant que les taux de conversion stagnent. On paie plus pour toucher moins.
Et l'intelligence artificielle dans tout ça ?
L'IA s'est imposée comme un nouveau filtre. Plus besoin de cliquer : les réponses s'affichent directement dans les résultats de recherche, générées par les modèles d'intelligence artificielle. Le contenu original est souvent repris, résumé, dilué… sans même passer par la source.
Ce sont toujours les mêmes marques, omniprésentes dans les corpus d'apprentissage, qui en bénéficient. Leur visibilité alimente leur notoriété, qui elle-même renforce leur présence dans les résultats. Cercle fermé.
Pendant ce temps, les PME, les marques émergentes ou les indépendants disparaissent des écrans. Leur contenu est peu repris, peu cité, et même lorsqu'il est pertinent, il reste invisible. L'IA ne redistribue pas les cartes. Elle les confisque.
Un média tactile, tangible et crédible
Le papier n'a pas changé, mais notre rapport à lui, oui. Dans un monde saturé d'écrans, recevoir une carte, un catalogue ou une invitation crée un moment de pause. L'imprimé capte l'attention. Il se touche, se garde, se relit.
C'est aussi un support perçu comme plus fiable. Les publications papier inspirent davantage confiance, notamment dans des contextes institutionnels ou premium.
Encore faut-il savoir valoriser le bon contenu, au bon moment. Un papier haut de gamme, une finition soignée, un format original : autant d'éléments que le numérique ne sait pas reproduire. L'imprimé redevient alors un objet de communication à part entière.
Le papier n'est pas un îlot isolé
Loin de l'opposition entre digital et print, la stratégie « phygitale » prend racine. Un catalogue avec des tags audio ou vidéo, un flyer avec QR code, un dépliant renvoyant vers un site : le papier devient un point d'entrée vers une expérience numérique enrichie.
L'intérêt est double. D'un côté, on mesure ce que déclenche le support imprimé. De l'autre, le client passe d'un canal à l'autre sans rupture, au service d'une stratégie omnicanale cohérente.
Mieux cibler, mieux segmenter
Grâce aux données disponibles, l'imprimé devient un outil de ciblage fin. Fini le tout-venant. Place à des campagnes de publipostage sélectif, basées sur des profils, des comportements ou des zones géographiques.
Les imprimeurs qui intègrent des services de data marketing ou de géomarketing ajoutent une corde stratégique à leur arc. Et offrent à leurs clients des campagnes sur mesure, avec un rendement tangible.
Un support désormais compatible avec l'écologie
Le papier n'est plus l'ennemi de la forêt. Il est recyclable, biodégradable, souvent certifié. Et toute la chaîne de production - encres, circuits courts, gestion des déchets - peut être tracée et valorisée.
Face à une pollution numérique invisible mais bien réelle, c'est un argument qui compte. L'imprimeur peut en faire un atout, à condition d'en faire un engagement visible et structuré.
De simple exécutant à partenaire stratégique : un changement de posture nécessaire
Il y a encore quelques années, l'imprimeur recevait un fichier et lançait la production. Le reste (le ciblage, création, message, diffusion) relevait d'autres interlocuteurs. Cette époque est révolue, les agences de communication présentes à tous les coins de rue ont disparu, et les clients attendent davantage d'un interlocuteur unique.
Aujourd'hui, les entreprises cherchent des partenaires capables de penser en amont, pas seulement de produire en aval. Le professionnel du print ne peut plus se contenter de « prendre des commandes ». Il doit comprendre le contexte marketing global, poser les bonnes questions, proposer des solutions adaptées : quel format pour quel usage ? Quel papier pour quel ressenti ? Quel niveau de finition pour quel positionnement ? Quelle temporalité pour quelle action commerciale ?
Ce rôle de conseil ne s'improvise pas. Il suppose une bonne connaissance des objectifs du client, mais aussi des contraintes de production, des usages du canal, et des nouvelles possibilités techniques (personnalisation, hybridation print/digital, traçabilité…). C'est à ce niveau que l'imprimeur redevient indispensable. En tant que partenaire, il ne vend plus seulement des feuilles imprimées. Il construit des campagnes, imagine des supports pertinents, aide à calibrer les messages. Il devient force de proposition. Et ce positionnement a un avantage majeur : il redonne de la valeur au travail. Il ne s'agit plus de faire « moins cher » ou « plus vite », mais de faire mieux, en combinant efficacité, cohérence de marque, et maîtrise des coûts.
Ceux qui sauront s'approprier ce rôle sortiront du lot. Non plus comme sous-traitants, mais comme co-pilotes.