L'Amigraf, une institution de formation solide des Hauts de France

Olivier Rocquin

Olivier Rocquin, directeur de l'Amigraf, nous présente le centre de formation continue des arts graphiques nordistes, l'un des plus importants de la filière. Il nous donnera également son point de vue sur les dérives de l'apprentissage et nous parlera des projets du centre.

C'est au 92 rue Abelard à Lille, par une matinée très pluvieuse que Olivier Rocquin me reçoit à l'Amigraf. Je connais bien les lieux ayant présidé pendant quatre années Uniic Nord, qui travaille régulièrement avec l'Amigraf, et ma sœur Marguerite Deprez-Audebert, ayant elle-même dirigée le centre lillois.

Cet organisme spécialisé dans le print, le web et la communication, l'un des plus importants de France de la filière graphique, a été créé en 1984, il y a donc 40 ans. Il assure la formation continue de 400 salariés, apprentis, demandeurs d'emplois chaque année. Diplômé d'ingénieur en chimie, Olivier Rocquin, qui a dirigé plusieurs autres organismes de formation, est le directeur de l'Amigraf depuis 2021.

Amigraf, un centre de formation pour un public varié

La pérennité d'Amigraf est basée sur une activité de formations diversifiée.
50 % des personnes en formation continue sont des salariés des entreprises graphiques des Hauts de France et même au-delà. Les entrepreneurs ont globalement deux exigences, une montée en compétence de leurs salariés et une polyvalence accrue.

25 % viennent d'un secteur apprentissage en partenariat avec Formasup, l'organisme paritaire dans les Hauts de France qui assure l'intendance administrative pour les diplômes niveau 5 et 6, à savoir bac+2 et bac+3.
Ces formations sont souvent orientées réseaux sociaux, e-commerce, comme des community managers ou des data analystes. Il forme aussi des assistants de direction, formation qui fait l'objet d'un titre professionnel, inscrit au RNCP (registre national des certifications professionnelles) et qu'Olivier Roquin spécifie pour la branche professionnelle, en ajoutant 50 à 60 heures supplémentaires par rapport au tronc commun.

Et enfin, un secteur que je qualifierai de public, qui opère dans le cadre du Plan régional pour la formation, où il s'agit de former des demandeurs d'emplois afin qu'ils obtiennent un certificat qualifié professionnel, délivré par la branche professionnelle, par exemple offsettiste, façonnier, opérateur numérique. Des formations précieuses pour les entrepreneurs en panne de main-d'œuvre. 85% de ces formations débouchent sur un emploi.

La dérive de l'apprentissage, de 250 000 à 1 million d'apprentis en six ans

Notre entretien se concentre ensuite sur le sujet de l'apprentissage. Je lui fais part des réserves exprimées par la Cour des comptes sur la dérive des entreprises à utiliser l'apprentissage, comme source de main d'œuvre à bas coût.
En effet, une entreprise reçoit une subvention de 8 à 10 000 euros par an et est exonérée des charges sociales sur la rémunération de l'apprenti, utilisé parfois dans des travaux de production peu en rapport avec la formation qu'il reçoit. Ainsi une entreprise débourse 6000 euros par an pour 900 à 1000 heures de travail en entreprise ! On comprend la tentation !
La France comptera bientôt presqu'un million d'apprentis alors que ce nombre ne dépassait pas 250 000 par an avant cette réforme sur la formation de 2018.

Olivier Rocquin ne dément pas cette dérive. Le directeur précise : "France-Compétence, l'organisme national en charge de répartir l'argent collecté vers les OPCO (les opérateurs de compétences, 11 en France, NDLR) qui accompagnent les entreprises, affiche un déficit annuel récurent de plusieurs milliards d'euros devant la poussée considérable du nombre d'apprentis en France.

Resserrage des conditions de financement

Il poursuit : "Cette année, on constate un resserrage des conditions de financement des contrats d'apprentissage dont la rémunération a baissé de plus de 15 % cette année, voire 25 %. Et aussi une politique plus restrictive pour créer des nouveaux diplômes, car il faut le préciser, tout apprentissage doit aboutir à un diplôme.

Ainsi, les délais de réponse se sont allongés à un an pour l'obtenir. C'était nécessaire, car la politique du 'quoi qu'il en coûte' ne pouvait plus durer. Mais c'est au directeur du centre d'apprentissage, le CFA, de veiller à la qualité et l'engagement éthique de l'entreprise qui souscrit les contrats d'apprentissage.

Dans notre filière, ce genre de comportement est très rare. Si nous faisons preuve parfois de souplesse pour organiser le cycle de formation de l'apprenti, dans le cadre des contraintes de production de l'entreprise, nous veillons à ce que sa formation reste au cœur de son engagement. Un contrat d'apprentissage est une formule donnant donnant ! L'entreprise a intérêt à former les jeunes pour subvenir au remplacement d'une main-d'œuvre devenue rare dans l'industrie."

L'Amigraf, toujours prêt à s'adapter

La démocratisation de l'apprentissage voulue par le président de la République, Emmanuel Macron, a profondément modifié le paysage de la formation en France. Et l'Amigraf ne manque pas de projets ni de perspectives : ainsi dans le community management, compte tenu du rallongement des délais pour l'obtention d'un certificat, Amigraf n'hésite pas à sous-traiter pour le compte d'autres centres de formation qui en disposent. Ainsi l'e-learning permet de rendre accessible des formations à des jeunes apprentis en difficultés de mobilités.

Enfin, l'Amigraf s'inscrit résolument dans une démarche ESS : Education sociale et solidaire. C'est le volet public de son action. Car si la formation d'apprentissage n'est plus du ressort des collectivités régionales, le Conseil régional garde la main sur la formation des demandeurs d'emplois.

Ce public parfois invisible des quartiers prioritaires de la ville, les QPV, peut être un gisement de main d'œuvre pour notre industrie. Et la formation des demandeurs d'emplois issus de ces quartiers débouche souvent sur le retour à l'emploi dans les certificats d'offsettistes, d'opérateurs numériques ou de façonniers.

Mais me rappelle le directeur de l'Amigraf, "l'image de notre filière reste encore négative parmi ces publics jeunes. Et les clichés demeurent. Le terme de convention collective des imprimeries de labeur n'est pas vraiment réjouissant, quand allons-nous enfin changer ce terme ? Quand allons-nous changer le pictogramme de l'industrie, une cheminée qui fume ?"

Il y a cependant des progrès à noter : la féminisation de la profession progresse, lentement, mais sûrement et le rectorat est très mobilisé sur la mise en place de structures pour animer la connexion des lycées professionnels avec les entreprises.

La formation professionnelle évolue de façon très positive en France, condition indispensable à la réindustrialisation du pays. Les entrepreneurs jouent et doivent jouer le jeu de l'emploi des jeunes dans le cadre de l'alternance. C'est la seule solution pour renforcer un marché du travail qui fait cruellement défaut au développement de nos entreprises.

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