Prospectus vs digital dans la grande distribution : ce que révèle l'expérience de Lidl

Lidl a cessé la distribution de ses prospectus papier dans une région des Pays-Bas. Une étude menée sur trois ans montre une baisse nette des ventes et de la fréquentation, notamment chez les clients occasionnels. Le numérique n'a pas suffi à compenser ces effets.

La disparition progressive des prospectus papier dans la grande distribution ne se fait pas sans conséquence. Voici une nouvelle étude réalisée aux Pays-Bas qui confirme les tendances identifiées en Allemagne que nous vous avons présentées il y a quelques jours. En janvier 2023, Lidl a mis fin à la distribution de ses prospectus dans la province d'Utrecht. Cette décision a permis à trois chercheurs - Arjen van Lin (Université de Tilbourg), Kristopher Keller (Université de Caroline du Nord à Chapel Hill) et Jonne Guyt (Université d'Amsterdam) - d'observer l'impact sur le comportement de 2 772 foyers habitués à fréquenter l'enseigne. Leur étude, publiée début 2024 et intitulée Cutting the Paper Cord?, révèle une baisse nette des achats après la suppression des publicités papier.

Une baisse directe du chiffre d'affaires après la suppression des prospectus

Selon cette étude universitaire, Lidl a ainsi perdu 7,7 % de chiffre d'affaires dans cette zone. Ce recul concerne aussi bien les articles promotionnels (– 4,6 %) que les non promotions (– 6,3 %). Le nombre de passages en caisse a diminué également de 2 %. En face, les enseignes concurrentes ont enregistré une hausse de 6,2 % des dépenses, sans augmentation du nombre de visites, ce qui laisse penser à une réallocation des dépenses.

L'imprimé publicitaire, outil d'activation des clients occasionnels

La perte de fidélisation touche principalement les clients occasionnels. Chez ces consommateurs, le retrait des prospectus a entraîné une baisse de 8,8 % des dépenses totales, et de 5,7 % pour les produits en promotion.

L'étude néerlandaise souligne que ce segment de clientèle est particulièrement sensible à la présence récurrente du support papier pour rester en contact avec la marque. Le catalogue imprimé agit comme un rappel visuel, rendant l'enseigne présente dans l'environnement quotidien du consommateur.

Une alternative digitale qui peine à convaincre

Malgré la mise en avant du support digital via l'application Lidl Plus, le support numérique n'a pas compensé la disparition du papier. Les foyers déjà utilisateurs du catalogue digital n'ont pas changé leurs habitudes, tandis que ceux qui y sont venus par défaut ont montré un désengagement, avec une baisse généralisée des dépenses.
Et les habitudes de lecture des consommateurs confortent la pertinence du support papier. Aux Pays-Bas, 54 % des consommateurs déclarent qu'ils regretteraient de ne plus recevoir de prospectus.

Cela souligne les limites de la dématérialisation, notamment en termes d'engagement utilisateur et d'accessibilité.

Des tendances convergentes observées en Allemagne

Le baromètre Prospekt Monitor 2025, mené par IFH Media Analytics, apporte un éclairage complémentaire sur la robustesse du support papier.
En Allemagne, 93 % des consommateurs lisent encore au moins occasionnellement des prospectus imprimés et 78 % le font chaque semaine. Le modèle dominant reste celui de la consommation hybride, combinant imprimé et digital.

Une remise en cause de la suppression systématique

Les résultats allemands montrent que 51 % des consommateurs se sentent affectés par la suppression des prospectus, et seuls 26 % considèrent ce choix positivement. Pour 62 %, l'information perçue est réduite, et 45 % déclarent acheter moins souvent dans les enseignes concernées. Ces éléments confortent les effets mesurés dans le cas Lidl : perte de chiffre d'affaires, baisse de trafic, et redistribution des achats vers d'autres enseignes.

Le prospectus, un outil marketing sous-estimé

L'étude de Lidl montre que les consommateurs ayant adopté le catalogue digital par contrainte n'ont pas compensé en engagement. À l'inverse, le format papier joue un rôle d'ancrage mental et de déclencheur de visite. Le prospectus n'est pas qu'un support promotionnel : il structure les arbitrages d'achat hebdomadaires.
Ces conclusions posent la question d'une meilleure évaluation du ROI du print par rapport au digital, et d'une articulation stratégique des deux canaux.

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