Les typos du nouveau Libération décryptées

Comment les directeurs artistiques et la fonderie Production Type ont-ils travaillé pour créer les deux polices de caractères de la nouvelle maquette du journal Libération ?

Depuis le 1er juin, le quotidien Libération sort dans sa nouvelle formule. Les rubriques et le chemin de fer ont été revus. Mais c'est aussi l'identité graphique du titre qui a été modernisée avec une maquette refondue qui a nécessité la création de deux polices de caractères.

Sous la houlette de deux directeurs artistiques Javier Errea qui a déjà travaillé à la refonte de Libération en 2009 et Yorgo Tloupas qui collabore avec le Vanity Fair français, la fonderie Production Type a dessiné Libé Sans et Libé Typewriter.

Le brief

Et à l'occasion de la sortie de ce nouveau Libé, la fonderie est revenue sur cette collaboration. Elle explique que les directeurs artistiques souhaitaient des polices ultra-condensés, hautes et aux côtés plats dans la veine de Compacta et American Gothic (par exemple Trade, Franklin, News).

Elles devaient aussi répondre à une large palette d'expressions à travers un ensemble de graisses et de chasses, avoir une texture dense, un espacement efficace et un système de soulignement automatique. Ce sont en fait les caractéristiques des typographies du journal lors de son lancement en 1973 par Serge July avec Jean-Paul Sartre.

Création de Libé Sans

Dans l'ensemble, Libé Sans a un design compact et des bas de casse massifs.

Production Type a travaillé ce caractère comme un caractère de titrage afin de fonctionner parfaitement avec de grands corps. C'est pourquoi la collection comprend trois styles condensés (SemiCondensed, Condensed et ExtraCondensed) et seulement une version normale et une autre étendue.

Les styles peuvent être mélangés sur une même ligne puisque les proportions verticales restent identiques. Les ascendantes et descendantes, très courtes, ont été travaillées pour s'adapter aux faibles interlignes en bas de casse.

Libé Sans est fortement inspirée de Antique Presse, une police conçue en 1964-65 pour les journaux et la presse quotidienne. D'abord attribuée à Ladislas Mandel de Deberny & Peignot dans les années 60, Antique Presse aurait été en fait dessinée par Adrian Frutiger.
Les typographes se sont également inspirés des caractères européens caractéristiques des années 1960 et 1970 comme de Brasilia pour son interlignage serré, d'Eurostile pour ses capitales carrées et Antique Olive pour son singulier contraste.

Naissance de Libé Typewriter

Libé Typewriter est née à partir d'une remarque désinvolte par Yorgo Tloupas lors des phases préparatoires de la refonte, sur le besoin d'une police typewriter.


Et Yorgo Tloupas a fait remarquer : "Si Libération était un morceau de l'histoire de l'architecture, nul doute que ce serait le Centre Georges Pompidou".

Et il y avait une police typewriter utilisée pour le Centre Georges Pompidou, le CGP, l'alphabet propriété du Centre et conçue par Adrian Frutiger en 1974.

CGP est basée sur Fine Line, une police à largeur fixe livrée avec des machines à écrire IBM. Libé Typewriter fusionne ces deux références.
Contrairement à une vraie police à espacement fixe, Libé Typewriter ne conserve pas les contraintes qui ne sont pas pertinentes dans le contexte d'un journal et dispose d'une option intégrée qui évite automatiquement le chevauchement des descendantes.

La nouvelle maquette utilise aussi les polices Tiempos Text de Klim et Produkt de Commercial Type.

Crédit photo : Julien Lelièvre

Plus d'articles sur le thème