Réunis à l'occasion de l'European Label Forum 2025 (ELF 2025), les acteurs de la filière européenne de l'étiquette ont dressé un constat largement partagé sur les mutations en cours du secteur. L'association Finat, à l'origine de l'événement, revient sur les principaux enseignements des échanges qui se sont tenus en mai dernier, structurés autour d'analyses de marché, d'évolutions des comportements de consommation, d'innovations technologiques et d'enjeux réglementaires. Ces contributions croisées offrent une lecture transversale des défis auxquels sont confrontés aujourd'hui imprimeurs et fournisseurs d'étiquettes.
Marché européen de l'étiquette : une reprise post-Covid encore fragile et inégale
Les chiffres partagés par Jules Lejeune, directeur général de la Finat, rappellent à quel point la sortie de crise reste inégale pour les imprimeurs d'étiquettes. Alors que la demande de supports adhésifs servait autrefois de baromètre pour la croissance européenne, cette corrélation s'est rompue avec la crise sanitaire. En 2024, les volumes observés sur le marché restent au niveau de ceux de 2016, avec une reprise contrastée selon les régions. L'Espagne se distingue par une certaine résilience, tandis que d'autres pays peinent à redémarrer.
Jules Lejeune a également signalé une hausse de la demande sur certains matériaux, en particulier les étiquettes thermiques directes et les films en polypropylène, dont l'usage est renforcé par l'essor du commerce en ligne et certaines innovations.
Par ailleurs, le directeur de l'association a mentionné deux évolutions structurelles susceptibles d'influencer le marché, l'exclusion de la Russie et la Biélorussie et l'hypothèse d'un accroissement du sourcing hors d'Europe. Une étude de marché est en cours pour en évaluer les implications.
Consolidation, intégration verticale et pressions mondiales sur le marché de l'étiquette
Corey Reardon, dirigeant du cabinet international d'études de marché AWA, a mis en avant deux tendances fortes dans le secteur mondial de l'étiquette : la consolidation et l'intégration verticale. Selon lui, le segment des étiquettes auto-adhésives représente aujourd'hui 39 % du marché global, avec une forte proportion de volumes liés aux applications avec données variables (VIP pour variable information printing), principalement dans la logistique.
Corey Reardon a aussi souligné que l'Europe représente 22 % de la production mondiale, mais que la concurrence venue d'Asie, en particulier de Chine, s'intensifie. Il a également noté une baisse de la demande et la persistance de pressions inflationnistes, qui amènent de nombreux acteurs à repenser leurs modèles opérationnels.
Consommateurs en mutation : santé, exigence de preuves et essor des marques de distributeur
Linda Lichtmess, de chez Euromonitor International, bureau d'analyse et de recherche de données sur les marchés, les industries, les économies et les consommateurs, est revenue sur les évolutions du comportement des consommateurs. Elle a identifié trois grandes tendances pour 2025 : une sensibilité accrue aux questions de santé, une recherche de valeur durable dans le temps, et une méfiance marquée à l'égard des allégations environnementales vagues.
Linda Lichtmess a également relevé que les consommateurs restent demandeurs d'options durables, mais attendent désormais des preuves concrètes. Dans un contexte inflationniste, les marques de distributeur gagnent en popularité, portées par leur capacité à proposer des produits perçus comme qualitatifs à un prix raisonnable. L'essor de la personnalisation via l'intelligence artificielle est également mentionné, bien que la confiance reste fragile.
Durabilité et innovation : de nouvelles contraintes devenues moteur de transformation
Paul Jenkins du cabinet de conseil en innovation d'emballage ThePackHub a insisté sur le rôle central de la durabilité dans l'innovation en matière de design packaging. Il a affirmé que le développement durable n'est plus un avantage concurrentiel, mais une exigence de base, posant la question de la destination de milliards d'étiquettes produites chaque année.
Il a identifié cinq axes majeurs d'innovation : recyclabilité, emballages biosourcés, substitution du plastique par du papier, systèmes de recharge ou de réutilisation et réduction des volumes. Plusieurs innovations récentes lui paraissent prometteuses, comme les solutions monomatériaux ou les étiquettes RFID amovibles.
Une réglementation mouvante, difficile à anticiper
Une table ronde réunissant notamment les fabricants d'étiquettes All4Labels, Asteria et Reckitt a permis de revenir sur les difficultés croissantes liées à l'évolution des cadres réglementaires. Arno Melchior de la multinationale anglo-néerlandaise qui fabrique et distribue produits d'entretien, d'hygiène et pharmaceutiques Reckitt, a rapporté que certains emballages que le groupe pensait conformes aux exigences de recyclabilité ont été remis en cause à la suite d'un changement de réglementation.
Gabriela Neves Ferri du fabricant d'étiquettes All4Labels a insisté sur le rôle accru que doivent jouer les fournisseurs d'étiquettes : au-delà de leur fonction technique, ils sont attendus comme partenaires capables d'orienter les marques dans leurs choix en matière de design, de conformité et de recyclabilité.
Une filière contrainte à l'adaptation permanente
Les interventions croisées au sein du Forum Finat ont mis en évidence un secteur en transformation rapide, confronté à des injonctions parfois contradictoires : réduction des coûts, innovation produit, exigences réglementaires et attentes sociétales.
Ainsi, la capacité des transformateurs à suivre l'évolution des matériaux, à s'adapter aux nouveaux usages et à accompagner leurs clients dans les changements législatifs apparaît comme un enjeu stratégique.
La prochaine table ronde, l'European Label Forum 2026, se tiendra du 27 au 29 mai 2026 à Séville, en Espagne.
