Demain, une école sans papier ?

Les régions françaises veulent supprimer le papier des écoles et le remplacer par le numérique. Mais pour certains enseignants, il est urgent de prendre ses distances avec la boulimie technologique.

Fin août, l'association Régions de France, qui représente les régions françaises auprès des pouvoirs publics français et des institutions européennes, présentait devant la presse le "manifeste des Régions pour le lycée d'aujourd'hui et de demain".

L'association y donne ses objectifs et préconisations sur "le lycée du XXIème siècle". Et pour Régions de France, le futur s'écrira sur des écrans. L'une des volontés de l'association est d'intégrer le numérique dans l'enseignement. Tout d'abord pour faire des économies (les Régions ont la charge de l'achat des manuels scolaires).

Réduire les coûts liés au papier

François Bonneau, Président délégué de Régions de France, explique : "la réforme des programmes scolaires, avec des manuels papier, c'est 300 millions d'euros, un coût impossible à assumer pour les Régions".

L'association justifie ensuite le basculement vers le numérique comme "un nouvel outil au service de la créativité et de la collaboration entre les professeurs".

Elle s'appuie notamment sur l'expérimentation Lycée 4.0 menée depuis 2017 par la région Grand-Est, qui s'étend cette année à 112 lycées. Le défi de cette expérimentation : faire disparaître les manuels papier dans les lycées de la Région.

"Les enjeux principaux ? Lutter contre la fracture numérique et proposer aux jeunes des conditions de travail modernes. Mais aussi favoriser les usages de l'ensemble des ressources à but éducatif, et alléger le poids du cartable."

Pour atteindre ce résultat, la Région a mis à la disposition de chaque élève un ordinateur portable ou une tablette, "mis en vente à un coût défiant toute concurrence pour les familles".

Alors le numérique solution miracle ?

On peut en douter. Si la suppression des coûts représente un allègement financier pour les Régions, qu'en est-il des familles qui ont à leur charge l'achat et l'entretien de matériels informatiques ? 

Mais la question principale porte sur l'apprentissage. Croit-on vraiment que le temps passé sur les écrans est équivalent à celui passé sur les livres ? Les écrans facilitent-ils l'apprentissage et la concentration ? Chacun possédant un smartphone ou une tablette peut faire l'expérience de l'impact des écrans sur nos vies.

Dans une tribune intitulée "Contre le numérique à l'école" publié dans en avril dernier dans Libération, un collectif d'enseignants résumait ainsi les choses :

« La dépendance croissante aux objets numériques chez nos contemporains s'apparente toujours davantage à des comportements addictifs. Récemment, quelques anciens cadres de Facebook ont d'ailleurs fait état de leur stratégie d'exploitation de la "vulnérabilité de la psychologie humaine", afin de rendre les gens toujours plus dépendants. S'agissant en particulier de ce réseau, l'un d'eux a évoqué des "outils qui déchirent le tissu social".

Dans un contexte où les industriels transforment, avec une avidité et un cynisme sans cesse renouvelés, les rapports humains en matériau exploitable à des fins de profit, nous voulons affirmer l'importance cruciale de la relation et de l'attention, au premier chef dans notre métier. Cela, les cadres de la Silicon Valley l'ont compris depuis longtemps, en protégeant leurs propres enfants des écrans, dans et en dehors de l'école. »

À méditer…

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