Emballages polluants : la stratégie de culpabilisation du consommateur

L'idée est de faire intégrer au consommateur que c'est lui le problème, que les gens sont responsables de la pollution et que c'est donc à eux d'y mettre fin.

C'est l'un des enseignements que l'on retiendra du dernier reportage de Cash Investigation sur l'industrie du plastique diffusé sur France2 mardi 11 septembre, Plastique : la grande intox. La stratégie de culpabilisation du consommateur.

Car c'est une véritable stratégie de marque, mise en place par Coca-Cola dès les années 1960 aux États-Unis. Elle consiste à déresponsabiliser le producteur de matières polluantes en culpabilisant le consommateur qui jette ses déchets dans la nature.

Une stratégie vieille comme le plastique

Pour remonter à l'origine de cette stratégie, l'équipe de Cash Investigation a rencontré l'historien américain Bart Elmore, auteur de Citizen Coke, un livre sur Coca-Cola, best-seller outre-Atlantique.

Bart Elmore explique que dans les années 1960, d'énormes amas de déchets se sont mis à apparaître dans tout le pays. Coca-Cola, qui était pointée du doigt à cause de ses canettes en aluminium et plus tard de ses bouteilles en plastique, a voulu réagir.

La solution de Coca-Cola a alors été de rejoindre "Keep America Beautiful", une organisation connue aux États-Unis, qui axe son action sur la prévention des déchets sauvages. Bien que son nom puisse laisser penser qu'il s'agit d'une ONG écolo, cette association est en fait une création des lobbies des boissons et de l'emballage.

L'idée est de faire intégrer au consommateur que c'est lui le problème, que les gens sont responsables de la pollution et que c'est donc à eux d'y mettre fin. En aucun cas, le rôle des industriels ne doit être mis en cause.

Cette stratégie, aussi vieille que la plastique, est encore largement utilisée par les industriels aujourd'hui.

La double casquette de certaines associations pour l'environnement

En France, l'association "Vacances Propres", récemment rebaptisée "Gestes Propres" réalise des campagnes de sensibilisation sur les déchets abandonnés. L'association est financée par les plus gros vendeurs de plastique en France : Danone, Cristalline, Nestlé, Haribo, ou encore Coca-Cola.

Dans une intervention capturée par le documentaire de Cash, le président de "Gestes Propres", Jean-François Molle, résume le mot d'ordre de l'association :

"Beaucoup d'associations environnementales dénoncent la présence des plastiques dans la mer, ils sont dans la dénonciation. Nous, on essaye d'être dans l'action en ciblant le jeteur".

Un réseau "écolo" aux mains des lobbies de l'emballage

Autre exemple, le réseau "Clean Europe Network", groupe d'organisations européennes très engagées dans la lutte contre les déchets sauvages.

L'enquête des journalistes de France2 révèle que Eamonn Bates, le secrétaire général de "Clean Europe Network", est aussi le lobbyiste européen des fabricants d'emballages.

C'est pour ce lobby qu'Eamon Bates s'est opposé au projet de loi français d'interdire la vaisselle en plastique jetable d'ici 2020. Il compte même poursuivre le gouvernement français auprès de la cour de justice de l'Union européenne au titre que ce projet de loi serait en contradiction avec le droit européen.

Son argumentaire : si l'on remplace la vaisselle en plastique par des objets biodégradables, les gens n'auront plus de scrupules à les jeter dans la nature, ce qui augmentera le problème des déchets…

Le plastique en chiffres

10 tonnes sont produites chaque seconde dans le monde. Toutes les 2 secondes, une tonne de plastique finit dans les océans. À ce rythme, en 2050 il y'aura plus de plastique que de poissons dans la mer.

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