Six ans de lutte, une préemption, plusieurs appels à l'aide et enfin le bout du tunnel. Fermée en 2019 par le groupe finlandais UPM, la papeterie Chapelle Darblay, située à Grand-Couronne en Seine-Maritime, devrait bien connaître une seconde vie. Alors qu'il manquait 27 millions d'euros pour boucler le projet de reprise monté par Fibre Excellence et Veolia, l'État vient d'annoncer son entrée au capital. Confirmée le 6 juin 2025, cette prise de participation conclut un affrontement social de près de six ans, marqué par une mobilisation continue des anciens salariés, de la CGT et des élus locaux.
La fermeture de cette unité spécialisée dans le recyclage de vieux papiers avait été actée par UPM le 10 septembre 2019. L'usine traitait alors l'équivalent du tri de 25 millions d'habitants et se distinguait par sa chaudière biomasse et sa station d'épuration biologique, des équipements qui seront remis en service. Malgré la désindustrialisation annoncée, trois délégués syndicaux de la CGT sont restés sur le site et ont mené, avec les anciens salariés, un combat acharné contre la disparition définitive de cet outil industriel.
52 millions d'euros de l'État apporter au projet de Veolia et Fibre Excellence
La Métropole Rouen Normandie avait franchi une première étape décisive en mai 2022, en préemptant le site pour en garantir l'usage papetier. Elle l'avait ensuite cédé à Veolia et Fibre Excellence. Premier producteur français de pâte à papier marchande appartenant au groupe canadien Domtar, ce dernier avait besoin d'un soutien public pour finaliser son montage financier et après des mois d'attente et une dernière lettre envoyée par la Métropole Rouen Normandie, la Ville de Grand-Couronne et la CGT au ministre de l'Industrie et de l'Énergie Marc Ferracci le 22 mai, il était arrivé à bout de patience.
La réponse de l'État est donc une délivrance. Selon les informations rapportées par Le Figaro, il va injecter 27 millions d'euros sous forme de fonds propres via la Banque publique d'investissement (BPI), complétés par 25 millions en subventions, soit un total de 52 millions d'euros. Ce soutien est conditionné à la levée de 160 millions d'euros auprès des banques. "C'est un événement décisif et la fin d'un combat de plus de six ans", a déclaré Julien Sénécal, ancien secrétaire du CSE, qui est confiant désormais sur le soutien des banques.
Une usine de PPO en fonctionnement d'ici 2028
La reprise de la production est prévue à l'horizon 2028. L'ancienne usine de papier journal sera alors convertie en usine de papier pour carton ondulé (PPO), un secteur en croissance avec les besoins du e-commerce et la réduction du plastique. Outre une chaudière biomasse et une station d'épuration, le projet comprend la réhabilitation de la voie ferrée et l'accès fluvial à la Seine. L'ensemble pourrait générer jusqu'à 200 emplois directs.
Le soutien local a joué un rôle clé. Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, s'est félicité publiquement de cette issue sur le réseau X (anciennement Twitter). Abdelkrim Marchani, vice-président de la Métropole Rouen Normandie, a salué sur ICI Normandie "une réussite qui est collective" susceptible d'attirer d'autres industriels.
La CGT, dans un communiqué publié le 7 juin, souligne la détermination sans faille des 217 PapChap, comme se surnomment les anciens salariés. Le syndicat rappelle les nombreux obstacles franchis : crise sanitaire, incendie de Lubrizol, changement de gouvernement et revirements politiques. "Et enfin la victoire ! (...) Cet exemple doit donner confiance à toutes celles et ceux qui se battent pour travailler et vivre dignement !".