Quelques jours à peine après l'annonce officielle de la mise en vente des papeteries de Condat, la Fédération des travailleurs des industries du livre, papier et communication (Filpac) CGT sort du silence. Face au risque de liquidation évoqué par la direction en cas d'échec des négociations, le syndicat "refuse d'assister à cette mise à mort" et prépare un plan de reprise fondé sur un modèle inédit dans l'industrie papetière française.
Présenté ce jeudi 16 octobre au centre socioculturel du Lardin-Saint-Lazare en Dordogne, ce projet s'appuie sur la création d'une société coopérative d'intérêt collectif (Scic). Selon la Filpac CGT, il s'agit d'"une première dans le monde de la papeterie", destinée à "sauver l'usine, préserver les emplois et redonner aux travailleurs la maîtrise de leur outil de travail".
Le modèle en Scic que souhaite porter la Filpac CGT prévoit une gouvernance partagée entre salariés, collectivités et partenaires économiques. Elle souhaite démontrer qu'un autre modèle de gestion industrielle est possible, à contre-courant des logiques financières de court terme. "Le licenciement des salariés va revenir beaucoup plus cher que la valeur de l'entreprise", souligne-t-elle.
Une usine à papier au ralenti, déjà marquée par les licenciements
C'est lors du comité social et économique extraordinaire tenu le 13 octobre, que Dominique Bernard, le tout nouveau président du site, a annoncé rechercher un repreneur pour le site d'ici le 31 décembre de cette année. En cas d'échec dans ce délai, la papeterie fermera.
L'annonce a fait suite à plusieurs semaines de rumeurs persistantes sur l'avenir de l'usine. Le syndicat décrit en effet un site en déclin : "Depuis septembre, les 202 salariés vivent au rythme des bruits de couloir et des machines qui tournent au ralenti." La dernière ligne encore en fonctionnement ne produit plus qu'une vingtaine de jours par mois. Et le papier, une fois fabriqué, "file en Espagne, comme si la Dordogne n'était plus digne d'accueillir une industrie", déplore la CGT, qui accuse Lecta de "vider les stocks avant de vider les lieux et les vies".
Déjà en 2023, le plan de sauvegarde avait conduit à la suppression de 174 postes. "À peine 45 ont retrouvé un emploi stable ; les autres vivent d'expédients, oscillant entre CDD et France Travail", déplore le syndicat.
Pour la CGT, l'abandon du papier couché double face – remplacé en 2023 par la production de glassine – a précipité les difficultés actuelles. "Lecta a imposé sa stratégie, abandonnant le papier couché qui faisait la force du site. Mauvais pari : le glassine ne se vend pas au prix espéré. Pendant ce temps, la demande de papier couché explose", écrivait récemment le syndicat début septembre.
"Tant qu'il restera une cheminée debout"
Pour le syndicat, il ne s'agit pas seulement de préserver un site, mais de défendre un patrimoine industriel et humain : "Condat, ce n'est pas qu'une usine : c'est une artère vitale, un souffle collectif, une mémoire ouvrière" et "tant qu'il restera une cheminée debout à Condat, une main
se lèvera."