Une imprimerie a-t-elle besoin d'une stratégie?

Quel est l'intérêt pour une imprimerie de disposer aujourd'hui d'une stratégie ?

Elle s'en passait sans difficulté auparavant. Il « suffisait » de s'équiper de presses et de matériel ultra modernes pour répondre à des clients, il est vrai, de plus en plus en plus exigeants en termes de qualité, de délais et bien entendu de coûts.  Aujourd'hui cependant la seule réflexion sur les investissements ne suffit plus.

L'économie numérique révolutionne la société et contraint l'ensemble des secteurs d'activité à se repositionner. L'imprimerie en générale, on le comprend bien, est particulièrement touchée, notamment sur ses marchés du livre, des catalogues, des documents administratifs ou encore de l'imprimé publicitaire.

Les patrons des imprimeries sont assaillis par les problèmes du quotidien, qui exigent une décision immédiate. Ils ont constamment « la tête dans le guidon ». Ils doivent aujourd'hui la lever, prendre le temps de s'arrêter et avoir la sagesse de se remettre en question.

Ils doivent en effet prendre le temps de définir une stratégie pour leur imprimerie. Prendre le temps, car l'éventail des possibilités est presque infini. Leur stratégie doit cependant être unique et globale. Il ne peut pas y avoir une « stratégie commerciale » à côté d'une « stratégie financière ». La stratégie s'applique à l'ensemble de l'entreprise. Le plan stratégique qui en découle va définir une orientation à chacune des activités de l'imprimerie. Chaque orientation se déclinera par la suite en plans d'action qui engageront l'imprimerie en termes de positionnement, de prestations, de politique commerciale, d'investissement et bien entendu de ressources humaines.

Définir une stratégie, résume Alain Meunier, auteur de l'ouvrage « PME : les Stratégies du succès », c'est exprimer, de manière explicite et par écrit, où l'imprimeur décide d'aller, pourquoi et comment.

« Où aller » signifie définir pour chaque activité de l'imprimerie (ce que l'on appelle des segments stratégiques) une « posture », nous dit Alain Meunier, c'est-à-dire classer ses activités en quatre catégories :

  • Celles que l'on a décidé d'abandonner.
  • Celles que l'on veut maintenir, défendre, consolider.
  • Celles que l'on veut développer, améliorer.
  • Celles qu'il faut créer.

Chaque activité doit aller dans l'une ou l'autre de ces catégories, nous répète l'auteur, et toutes les activités doivent être classées. S'agit-il de quitter un marché saturé comme celui du livre ? Doit-on au contraire investir d'avantage dans de nouvelles technologies, l'impression numérique, les automatisations pour consolider sa position sur le book-on-demand ? Est-il pertinent de développer l'impression de livres à l'unité ? Est-il temps de développer une plateforme Web-to-print positionnant l'imprimerie sur d'autres marchés ?

C'est une démarche éminemment volontariste. Trop d'imprimeries se laissent porter par la conjoncture ou les événements : « Nous avons l'opportunité de vendre en Belgique, on va essayer. » « Ces clients se développent dans le conditionnement, alors on se développe dans le packaging. » Il est dangereux de n'être qu'un bouchon sur la vague. Tant que la conjoncture est porteuse, pourquoi pas. Mais en temps de crise comme aujourd'hui, certainement pas. La stratégie est un outil pour réduire les incertitudes.

La question la plus importante est sans doute le « pourquoi ? ». En effet, c'est parce que le responsable de l'imprimerie aura défini ses axes stratégiques à la suite d'un raisonnement rigoureux qu'il saura pourquoi il a décidé de se développer dans tel secteur ou, au contraire, d'abandonner telle autre activité.

Il ne faut pas mépriser le « comment ? ». Définir une stratégie est un moment idéal pour l'imprimeur pour rêver, pour imaginer tout ce qu'il pourra faire pour développer et renforcer son entreprise, évoluer vers une entreprise multicanal, se positionner sur une niche, profiter de toutes les opportunités qu'offrent les nouvelles presses numériques, mais aussi le e-commerce par le Web-to-print etc.

Encore faut-il que tout cela soit réaliste, faisable avec les ressources dont dispose l'imprimerie ou qui lui sont accessibles. La collaboration et la réunion de synergie sont certainement des vecteurs de succès dans une industrie en pleine transformation comme celle des industries graphiques.

L'imprimeur doit ainsi à ce stade passer de la « stratégie idéale » qu'il a imaginée à la « stratégie réaliste » qu'il mettra en place. Ceci suppose nous avertit Alain Meunier :

  • de respecter un certain équilibre entre les activités qui génèrent du cash et celles qui vont en consommer (celles dans lesquelles l'imprimeur va investir) ;
  • d'allouer clairement les ressources disponibles à chaque axe stratégique, en recherchant leur efficacité maximale.

En effet, la stratégie ne dit pas comment être rentable, elle dit comment le rester.

Améliorer la rentabilité, c'est du domaine de l'exploitation : c'est là que l'imprimeur réduira ses coûts de production, qu'il abordera le lean printing, qu'il optimisera les marges par une politique de prix judicieuse.

Le domaine de la stratégie, c'est renforcer la solidité à moyen terme. Le premier objectif d'une entreprise - et singulièrement d'une imprimerie - c'est de survivre.

La pérennité de l'entreprise naît de la conjonction de la solidité (qu'apportera la stratégie) et de la rentabilité (issue de l'exploitation).

Une imprimerie solide aura le temps d'améliorer sa rentabilité. Une imprimerie rentable disposera du « nerf de la guerre » pour mener à bien ses ambitions stratégiques.

La mise en garde d'Alain Meunier servira de conclusion à cet article : « il ne faut pas attendre d'être dans le rouge pour faire de la stratégie. L'analyse stratégique n'est pas une technique de redressement d'entreprises en difficulté. »

Source : « PME : les Stratégies du succès », Alain Meunier, édition Dunod, 2007

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