"C'est une véritable tempête économique pour nos régions. Un pan entier de notre économie est en train de vaciller." Le ton est grave chez Sarah Escat, dirigeante de Mauco Cartex, entreprise spécialisée dans les packagings pour vins et spiritueux située à Peujard, près de Bordeaux.
Un tiers de chiffre d'affaires en moins en un an et demi
En seulement dix-huit mois, Mauco Cartex a vu son chiffre d'affaires reculer d'un tiers, pour arriver à 11,5 millions en 2024. Face à l'ampleur des difficultés, Mauco Cartex, qui emploie 80 personnes, a choisi de se placer en redressement judiciaire en mai dernier.
Confronté à une baisse d'activité, le producteur d'emballages avait déjà engagé l'an dernier une restructuration incluant la fermeture de trois agences de proximité et la suppression de vingt postes. "Les choses s'étaient améliorées puis en mars Trump s'est mis à parler... À partir de là, la chute a été brutale", raconte Sarah Escat. Selon elle, les déclarations protectionnistes du candidat républicain ont complètement bouleversé les marchés des vins et spiritueux.
Parallèlement, Pékin a instauré une taxe de 35 % sur les spiritueux européens, en réponse aux droits de douane imposés par Bruxelles sur les véhicules électriques chinois. "Et l'on ne sait toujours pas où on va", déplore la dirigeante.
À ces tensions géopolitiques s'ajoutent les effets d'un climat instable. Gel, grêle, sécheresse… les aléas se répètent désormais chaque année, avec des répercussions directes sur les volumes produits et la santé économique des viticulteurs. La consommation de vin rouge recule également chez les jeunes générations, accentuant la pression sur l'ensemble de la filière.
"Des clients ferment, d'autres arrachent leurs vignes... Même notre paysage a changé. C'est ultra violent et très rapide", témoigne la chef d'entreprise, qui n'hésite pas à comparer la situation actuelle à celle de la crise du puceron phylloxéra qui dévasta les vignobles à la fin du XIXe siècle.
Les banques aux abonnés absents
Face à l'urgence, Mauco Cartex a sollicité les banques pour obtenir un soutien transitoire. Sans succès. "Nous n'avons donc eu d'autre choix que de demander un redressement judiciaire pour éviter la liquidation dans six mois. Cela doit nous permettre de rebondir et de repartir."
Les mesures envisagées dans le cadre de cette procédure restent à définir. "Nous sommes dans un tourbillon administratif pour le moment : il faut donner des milliers de documents à des dizaines d'interlocuteurs eux-mêmes submergés de dossiers. Mais nous travaillons avec les représentants du personnel et la CGT pour adapter la structure à la réalité du chiffre d'affaires."
Mais des atouts pour redresser la barre
Malgré ce contexte tendu, Mauco Cartex dispose de plusieurs avantages. Dès 2022, l'entreprise a lancé un pôle numérique. "Le bouche-à-oreille fonctionne. Depuis le début de l'année, nous avons enregistré près de 200 ouvertures de comptes dans d'autres secteurs comme la santé ou le bien-être."
Cette activité hors vin et spiritueux représente aujourd'hui 15 % du chiffre d'affaires. L'offre se concentre sur des emballages en petites séries à forte valeur ajoutée, mais aussi de la décoration ou de l'aménagement. "L'idée est de développer tout ce qui touche au carton sans tourner le dos à nos clients historiques." Et en début d'année, Mauco Cartex a aussi mis en ligne un outil de configuration et de devis d'emballages développé par Packitoo.
Avec cette capacité à évoluer, Sarah Escat est optimiste et déterminée : "J'y crois. Nous avons des salariés engagés, des clients fidèles et des fournisseurs présents à nos côtés. Mais il ne faut pas que nous soyons seuls à nous battre. Les vins et les spiritueux font partie du patrimoine français. Il faut que les banques et l'État les défendent aussi."